La crise et ses conséquences

Bars fermés, Udivel paye les pots cassés

Bars fermés, Udivel paye les pots cassés
Taulhac. Le site du Puy-en-Velay est l’un des trois que possède désormais la holding avec La Ricamarie et Mende. Photos Philippe Suc © L'Eveil
Les distributeurs de boissons s’enfoncent chaque jour un peu plus dans la crise. Les aides ne suffisent plus. Les dirigeants d’Udivel au Puy lancent un cri d’alarme.

Les dirigeants de la société familiale de distribution de boissons Udivel au Puy-en-Velay ont fait part à la députée Isabelle Valentin qui leur rendait visite sur la zone d’activités de Taulhac, de leur désarroi, face à une année 2020 désastreuse et surtout par rapport à l’absence de perspectives d’avenir.

Une perte de 85 à 90 %
du chiffre d’affaires

Les fûts s’entassent dans les entrepôts. L’activité est à l’arrêt ou presque.
 

La société, bientôt centenaire, s’enfonce chaque jour un peu plus dans le rouge. Le PDG, Philippe Souchon lance un cri d’alarme. « On ne peut pas s’endetter durant des années pour payer le Covid, une situation dont on n’est pas responsable. On n’est pas fermés administrativement, mais nous subissons de plein fouet la fermeture des bars et restaurants ».
Il demande que les sociétés comme la sienne soient rattachées à la liste des établissements frappés de fermeture.
Isabelle Valentin se dit consciente de la situation. « Au-delà des bars et restaurants, des fournisseurs passent sous les radars. Des pans entiers de l’économie doivent être soutenus ». L’élue a plusieurs fois alerté le gouvernement à ce sujet.

105 emplois sur trois sites

C’est la quatrième génération qui se succède à la tête de l’entreprise familiale qui a vu le jour en 1922, grâce à Joseph Ganivet. L’aventure commerciale a débuté à Firminy. Les premières années avec un simple cheval et une charrette ! L’activité a été reprise par Lucien Souchon qui a épousé une fille Ganivet.
Entre la Loire et la Haute-Loire, comme nous le savons, les liens ont toujours été très forts. Pour l’anecdote, Lucien est né à la boulangerie du col du Pertuis qui était tenue par le grand-père de Daniel Souchon qui représente la troisième génération de distributeurs de boissons.
Ce dernier s’est associé en 1990 avec la famille Rouchon. Depuis Pont-Salomon, l’entreprise livrait jusqu’à Yssingeaux. En 2012, l’entreprise est devenue Souchon boissons services. Le rachat d’Udivel a eu lieu au début de l’année 2018.
Daniel a ensuite cédé l’affaire à ses fils : Philippe (directeur général), Rémi (logistique, informatique) et Hugo (en charge de la digitalisation de l’entreprise). Philippe Souchon étant le PDG de la holding qui regroupe Souchon boissons services à la Ricamarie, Udivel au Puy-en-Velay et Gévaudan boissons à Mende.
Le groupe représente 30 millions de chiffre d’affaires (en 2019), emploie 105 personnes (qui ont en moyenne 15 ans d’ancienneté dans l’entreprise). Les trois sites servent 1.500 clients, principalement des cafés, hôtels et restaurants. Philippe Souchon résume la situation : « La fermeture administrative est synonyme de perte de chiffres d’affaires pour nous entre 85 et 90 % ». Le reste de l’activité est réalisé auprès des collectivités, Ehpad, cavistes, quelques entreprises et particuliers. Autrement dit pas grand-chose… En 2020, le distributeur de boisson a été fermé cinq mois sur douze au total.

La vie a déserté  les entrepôts

Sur le seul mois d’avril, 95 % du chiffre d’affaires a été perdu. Les bars n’ont ouvert qu’à partir de début juin. Il a fallu attendre ce moment, pour connaître une vraie reprise d’activité. En octobre, la chute a recommencé et depuis novembre c’est à nouveau le marasme.
Une grande partie des employés est en chômage partiel, la vie a déserté les entrepôts. La députée Isabelle Valentin qui rendait donc visite cette fin de semaine aux dirigeants de l’entreprise à Taulhac a déambulé dans des locaux déserts, où un seul salarié était occupé à décharger une palette. Les caisses de bouteilles et les fûts par milliers s’entassent jusqu’au plafond.

La députée Isabelle Valentin visite les entrepôts d'Udivel où le stock est conséquent.

La bière en fut de 30 litres représente facilement 40 % du chiffre d’affaires. Impossible de l’écouler ailleurs que dans les débits de boissons ou les fêtes, or, ces dernières ne font plus partie non plus de la vie sociale. « C’est un gâchis », confirme Julien Peycelon, responsable du site d’Udivel. Certaines boissons ont une date limite de consommation un peu longue, d’autres beaucoup moins.
Les déclarations du Premier ministre Jean Castex, jeudi soir ne laissent entrevoir aucune lueur d’espoir aux dirigeants d’Udivel et consœurs.

« Nous ne sommes pas fermés  sur un plan administratif »


Les bars et restaurants bénéficient de mesures de soutien puisqu’ils font partie des entreprises impactées par les restrictions d’accueil au public. Ils entrent dans une catégorie baptisée S1, bénéficiant du fonds de solidarité avec compensation jusqu’à hauteur de 20 % de leur chiffre d’affaires pour couvrir leurs charges fixes ou 10.000 €.
Le distributeur de boissons en revanche se trouve dans une situation ambiguë. « Notre problème, c’est que nous ne sommes pas fermés administrativement. Nous appartenons à la liste S1 bis. On ne peut pas prétendre aux 10.000 € qui vu notre taille, ne couvriraient que très peu de charges fixes et puis nous avons un effectif de plus de 50 personnes (seule la holding est prise en compte), donc, nous ne sommes pas concernés. Nous bénéficions du prêt garanti par l’État (PGE) qui nous a permis de payer nos fournisseurs. Mais ce prêt devra bien être remboursé à un moment ou à un autre. On bénéficie du chômage partiel (90 % des salariés sont à l’arrêt), mais les jours fériés sont payés par l’entreprise. Pour nous, c’est 20.000 €. Les gens acquièrent des congés payés sans travailler : il faudra à un moment ou à un autre qu’ils les prennent ou leur les payer. Les salariés bénéficient du treizième mois. C’est lourd à porter. Nous avons aussi une aide de l’Urssaf ».

La députée, Isabelle Valentin est venue au Puy apporter son soutien aux dirigeants. 
 

Deux demi-journées par mois travaillées

Les chauffeurs livreurs n’auront travaillé que deux demi-journées par mois.
L’ancien responsable, Daniel Souchon est particulièrement inquiet. « Les entreprises familiales dominent dans notre secteur d’activité. Nous sommes entre 3 et 400 en France. La plupart ont toujours été bien gérées, disposant donc de trésorerie et de capitaux propres. Mais il arrive un moment où on n’y arrive plus. On est en train d’appauvrir ces affaires qui tournaient bien. Quand on devra investir, ne serait-ce que pour changer un camion, on ne le pourra plus. Et puis, nos emprunts continuent à courir. C’est le cas pour le prêt d’Udivel, rachetée il y a trois ans. À Taulhac, nous sommes en location. Nous avons une flotte de 80 véhicules qu’il faut entretenir et assurer sans parler de l’assistance informatique ».
Quant au développement d’un site de vente marchand pour pallier la crise, il ne pourra pas porter ses fruits dans un proche avenir.
La profession a décidé de sortir du silence claustral dans lequel elle s’enfermait jusqu’alors, par pudeur peut-être. Un mouvement national se prépare pour le 19 janvier dans plusieurs villes françaises. 

Philippe Suc


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1 commentaire

Xavier Arcis a posté le 09 janvier 2021 à 17h22

Je suis désolé pour cette société, mais on dit souvent "l'alcool est dangereux pour la santé", donc, c'est peut-être une bonne chose pour l'humanité dans le fond, dans la forme, je suis réellement navré pour cette entreprise. Avec tout mon respect et mon pacifisme.

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