Les pistes pour reprendre une trajectoire de taxe carbone
Le Conseil d'analyse économique, un think tank rattaché à Matignon, vient de publier des recommandations pour faire accepter cette fiscalité verte. Il préconise de redistribuer l'ensemble des recettes sous forme d'une prime, en fonction des revenus et de la localisation géographique.
Malgré le rejet suscité par la taxe carbone, les réflexions se poursuivent sur les moyens pour la remettre sur les rails . Le Conseil d'analyse économique (CAE), un think tank rattaché à Matignon, vient de publier des recommandations en vue de reprendre la trajectoire de la contribution climat énergie interrompue en décembre , face à la mobilisation des « gilets jaunes ».
Si les économistes tiennent autant à cette taxe carbone, c'est qu'elle est perçue comme un instrument indispensable pour tenir les engagements climatiques de la France. « Il faut que le carbone ait un prix, parce que, s'il n'a pas de prix, tous les prix sont faux », explique l'économiste Katheline Schubert, rappelant que la transition énergétique coûterait deux à trois fois plus cher sans le « signal-prix » de la taxe carbone.
Redistribuer les recettes
Une fois ce constat posé, le CAE a travaillé sur des propositions qui permettraient de rendre la fiscalité écologique acceptable aux yeux des Français, qui pour l'instant, la rejettent massivement, comme le montre le dernier sondage d'Opinionway .
Selon le think tank, la première condition pour reprendre la trajectoire interrompue est de redistribuer la totalité des recettes vers les ménages, en particulier vers les 50 % de foyers les moins aisés qui pâtissent du caractère régressif de cette fiscalité.
Les auteurs recommandent de distribuer une prime pour compenser la hausse de fiscalité, non seulement en fonction du revenu mais aussi de la localisation géographique. « Bien qu'imparfait, le critère de localisation géographique permet en effet, a priori, de tenir compte en partie des possibilités de substitution qui s'offrent aux individus : les milieux urbains sont, par exemple, plus équipés en transports publics que les milieux ruraux plus contraints dans leurs choix », explique la note.
Elargir aux secteurs polluants
L'autre condition est d'élargir cette taxe aux secteurs les plus polluants pour faire en sorte que les ménages ne soient pas les seuls à en porter le poids. Les initiatives pour y parvenir se sont pour l'instant heurtées aux problèmes de compétitivité, dans le transport de marchandises et les travaux publics notamment, ou aux accords internationaux pour l'aérien.
L'étude ne dit pas comment lever ces obstacles, mais recommande d'affecter les recettes à l'accompagnement des secteurs touchés. Elle revient en outre sur la nécessité de fixer un prix-plancher pour le carbone de façon à aligner le prix du carbone sur le marché européen des quotas avec celui appliqué aux ménages.
Ajuster la taxe
Enfin, la note propose plusieurs mécanismes pour ajuster la taxe aux évolutions conjoncturelles . L'un serait de faire évoluer la taxe en fonction des prix du pétrole, une solution qui n'a jamais été rééditée en France depuis l'expérience peu concluante du temps de Lionel Jospin . L'autre serait de conditionner la taxe au respect des objectifs de réduction de CO2, à l'image du modèle suisse. Si les objectifs sont tenus, la taxe n'est pas appliquée.
Si les auteurs insistent sur la nécessité de restaurer une trajectoire carbone, ils prennent quelques précautions. Cette fiscalité « n'a pris son essor que dans des pays où la confiance dans les institutions est grande, et où un long travail préalable a été effectué pour expliquer cette approche et l'inscrire dans un contrat social (Suisse, pays scandinaves, Colombie britannique) ».
Ingrid Feuerstein